Awa n’est pas une jeune diplomate, elle ne vient d’aucun consulat connu, et pourtant c’est une ambassadrice hors pair.
Son engagement est né du choc vécu lors de sa propre excision, exacerbé par l’excision de sa sœur à l’âge de 3 ans dont elle a été témoin. Awa en est sortie traumatisée… Sa petite sœur a souffert d’une hémorragie qui n’a pas pu être prise en charge, oui, car c’est dans la clandestinité que cet événement effroyable a eu lieu.
Depuis ce jour, Awa a compris que l’excision : pratique pseudo « normale » aux yeux de sa famille et de ses parents, n’était pas sans danger pour les filles qui la subissent. Oscillant entre amertume, révolte et questionnements sur les fondements religieux, Awa finit par faire le constat qu’il n’y a aucune référence dans les textes religieux, qu’ils soient islamique ou chrétien.
Dès lors la jeune fille devenue adolescente et élève en classe de terminale décide de porter un combat qui la touche personnellement au sein du Club de Jeunes Filles de Kolda. En 2017, elle a d’abord suivi des formations qui lui ont permis de gagner en confiance en elle-même. Puis, se sentant plus forte, elle a décidé sensibiliser ses propres parents aux conséquences néfastes des Mutilations Génitales Féminines (MGF) mais aussi de porter ce message auprès de tous les parents de son quartier en rappelant que l’excision est plus culturel que religieux et en démontrant les conséquences sur la santé . Crescendo en 2018, Awa décide de former son propre Club de jeunes filles leader : « Seule, je n’arrivais pas à faire changer d’avis des parents, j’ai donc décidé de réunir 6 autres jeunes filles de mon âge autour d’un nouveau Club de jeunes filles, car ensembles, cela fait notre force ! »
Elle a réussi le pari de faire des chefs coutumiers et religieux, ses précieux alliés, qui pour certains sont à ses côtés lors des activités de sensibilisation en milieu communautaire et dans les villages reculés. Elle raconte « Avec le mouvement 99-05, nous contribuons à la vulgarisation de la loi 99-05 tout en invitant les chefs de nos villages à développer des messages à l’intention de nos parents. Mais aussi, il faut retenir que l’excision se pratique le plus souvent dans les villages et c’est là-bas que nous devons concentrer nos efforts. »
Soutenue par ses paires et par une frange d’aînés, elle est même parvenue à détourner de cette pratique, sa grand- mère exciseuse de profession. « Une de mes plus grandes fiertés est d’avoir pu faire changer d’avis ma grand-mère, qui est celle qui a excisé ma sœur et moi, et aujourd’hui qu’elle accepte de déclarer officiellement son abandon de cette pratique. »
Son club de jeunes filles, qui compte désormais 20 membres, et organise de nombreuses activités de sensibilisation. Fière de cette réussite, elle a quitté la présidence du club, pour se consacrer pleinement à la coordination des différents Clubs de Jeunes Filles (CJF) de Kolda. Awa vit avec la conviction que son engagement et sa persévérance et celle des autres jeunes filles poussera de plus en plus de parents à abandonner cette pratique.
Elle sait que le combat est encore long « Je suis une ambassadrice et ma mission n’est pas encore achevée… »